samedi 8 décembre 2007

L'Origine du Monde & Gustave Courbet



L'oeuvre

L'Origine du Monde

Date : 1866
Materiaux : huile sur toile
Dimensions : 46 × 55 cm
Exposée au Misée d'Orsay à Paris

Huile représentant le sexe et le ventre d’une femme allongée nue sur un lit, les cuisses écartées.
Le cadrage de la scène, entre les cuisses et la poitrine, renforce l'érotisme
de l’œuvre.

De plus, un sein en érection et la rougeur des grandes lèvres laissent penser que le modèle vient d’avoir un rapport sexuel ...

L’Origine du monde surgit dans une période de remise en question des valeurs morales.

Le tableau eut un impact à la fois artistique et social, qui perdure de nos jours.

Le réalisme de Courbet, qui se targua plus tard de n’avoir jamais menti dans sa peinture, repoussait toujours plus loin les limites du présentable.

Avec L’Origine du monde, il exhiba en quelque sorte la partie cachée de l’Olympia de Manet. Maxime du Camp, dans une sévère diatribe, relata sa visite chez le commanditaire de l’œuvre et sa vision d’un tableau « donnant le dernier mot du réalisme ».

À l’époque de la réalisation du tableau, le modèle préféré de Courbet était une jeune femme, Joanna Hiffernan, dite Jo.

C’est son amant James Whistler, peintre américain admirateur et disciple de Courbet, qui l’avait prêtée à Courbet.
En
1866 Courbet réalisa un autre tableau, La belle Irlandaise, dont le modèle était Joanna Hiffernan. En tout Courbet réalisa quatre portraits de Jo.

Elle fut vraisemblablement le modèle de L’Origine du monde, ce qui expliquerait la brutale séparation entre Courbet et Whistler peu de temps après la réalisation de l’œuvre.

Whistler retourna ensuite aux États-Unis, laissant un testament en faveur de Jo.

Malgré la différence de coloration des cheveux roux de Jo et des poils pubiens plus sombres de L’Origine du monde, l’hypothèse que Jo ait été le modèle de ce dernier prévaut.

Dans J’étais l’origine du monde, publié en
2000, la romancière Christine Orban prend parti en imaginant comment la narratrice, Joanna Hiffernan, fut l’amante de Courbet et le modèle du fameux tableau.

Déjà Bernard Teyssèdre, dans Le roman de l’origine 1996 dont le personnage central est le tableau lui-même ("il lui en arrive, des aventures!") avait proposé de voir en Joanna Hiffernan le modèle. En revanche, dans son essai historique "L'Origine du monde, histoire d'un tableau de Gustave Courbet" (2006), Thierry Savatier met en doute cette hypothèse et avance une possible source photographique.

La commande de L’Origine du monde est attribuée à Khalil-Bey, un diplomate turc, ancien ambassadeur de l’Empire ottoman à Athènes et Saint-Pétersbourg fraîchement installé à Paris.

Présenté par Sainte-Beuve à Courbet, il commanda une toile à ce dernier pour sa collection personnelle de tableaux érotiques.

Celle-ci comptait entre autres Le Bain turc d’Ingres et Le Sommeil, un autre tableau de Courbet connu aussi sous le nom Les Dormeuses.
Khalil-Bey fut ruiné par ses dettes de jeu et l’on connait peu les propriétaires suivants du tableau.


En 1868, lors de la vente de la collection Khalil-Bey, l’antiquaire Antoine de la Narde en fit l’acquisition.

Edmond de Goncourt le vit ensuite chez un antiquaire en 1889, caché par un panneau peint "Le Château de Blonay" appartenant au Musée des Beaux-Arts de Budapest .

Selon Robert Fernier, le baron François de Hatvany l’acheta à la Galerie Bernheim-Jeune en 1910 pour l’emporter à Budapest où ce collectionneur hongrois le conserva jusqu’à la Seconde Guerre mondiale.

Le dernier propriétaire du tableau fut
Jacques Lacan. Avec l’actrice Sylvia Bataille, il en fit l’acquisition en 1955 pour l’installer dans sa maison de campagne de Guitrancourt.

Le psychanalyste demanda à André Masson, son beau-frère, de construire un cadre à double fond et de peindre une autre œuvre par-dessus.

Celui-ci réalisa une version surréaliste de L’Origine du monde, beaucoup plus suggérée.

Le public new-yorkais eut toutefois l’occasion unique d’admirer L’Origine du monde en 1988 lors de l’exposition Courbet Reconsidered au Brooklyn Museum.
Après la mort de Lacan en 1981, le ministère de l’économie et des finances accepta que les droits de succession de la famille soient réglés par dation de l’œuvre au musée d’Orsay en 1995.



L'artiste

Gustave Courbet
(10 juin1819 à Ornans, Doubs - 31 décembre 1877 à La Tour-de-Peilz en Suisse)

Peintre français chef de file du courant réaliste.

Engagé dans les mouvements politiques de son temps, il a été l'un des élus de la Commune de 1871

Gustave Courbet enduisait sa toile d’un fond sombre, presque noir, à partir duquel il remontait vers la clarté.

Proudhon, le théoricien socialiste (et l’homme qu’il admira le plus) aurait voulu faire de lui un peintre prolétarien mais hormis les casseurs de pierre, pas d’ouvriers sur ses toiles et peu de paysans.

Gustave Courbet est issu d’une famille de propriétaires terriens, son père Régis Courbet possède des terres au village de Flagey où il élève des bovins et pratique l’agriculture.

Après avoir étudié au petit séminaire d’Ornans il entre au collège Royal de Besançon où, dans la classe des beaux-arts il prend ses leçons artistiques de Charles-Antoine Flajoulot (1774-1840) ancien élève de Jacques Louis David et aussi professeur à l'École des Beaux-Arts de Besançon.

Après des études considérées comme médiocres et qu’ il abandonne, il part pour Paris vers la fin de 1839. Logé par son cousin Jules Oudot, il suit des études de droit et parallèlement fréquente l’atelier du peintre Charles de Steuben.

Son ami d’enfance Adolphe Marlet l’introduit à l’atelier de Nicolas-Auguste Hesse un peintre d’histoire qui l’encourage dans la voie artistique.

Les trois sœurs de Courbet (entre 1846-47)
- les récits de la grand-mère Salvan -
Huile sur toile 60,9X51,2 cm
Collection particulière

Courbet se rend aussi au musée du Louvre pour y étudier les maîtres, en particulier les peintres de l’école espagnole du XVIIe siècle Vélasquez, Zurbaran et Ribera. Il est aussi influencé par les œuvres de Géricault dont il copie une tête de cheval.

Le 21 juin 1840 il est réformé du service militaire.
Il s’installe au Quartier Latin et occupe son premier atelier rue de la Harpe.

L'atelier du peintre (1855)
Huile sur toile 359X598 cm
Musée d'Orsay à Paris, France

En 1842 il peint un premier autoportrait dit ‘’Autoportrait au chien noir’ suivent d’autres où il se représente en homme blessé ou en homme à la pipe.
L'homme blessé (entre 1844-54)
Huile sur toile 81,5X97 cm
Musée d'Orsay à Paris, France

Le désespéré (entre 1843-45)
Huile sur toile 45X54 cm
Collection particulière
La bacchante (entre 1844-47)
Huile sur toile 65X81cm
Collection particulière
En 1845 il propose plusieurs toiles pour le Salon, le jury choisit de faire exposer le Guitarrero.
A cette époque Courbet se lie d’amitié avec Baudelaire et Champfleury.

Le poète et critique d’art rédige pour le peintre la liste de ses œuvres pour le Salon de 1849.
En août 1849 il fait un voyage en Hollande où il découvre les peintures de
Frans Hals et Rembrandt.

En 1849 Courbet revient à Ornans, ce retour aux sources va changer sa manière de peindre le faisant abandonner le style romantique de ses premiers autoportraits et de sa Nuit de Walpurgis. Inspiré par son terroir il créé un style qu’il qualifie lui-même de réalisme.

La vallée de la Loue par temps d'orage (vers 1849)
Huile sur toile 54X65 cm
Musée des beaux-arts à Strasbourg, France

Sa première œuvre de cette période est L’après-dinée à Ornans tableau exposé au salon de 1849 qui lui vaut une médaille de seconde classe, et qui est remarqué par Ingres et Delacroix.
Il peint
Un enterrement à Ornans, tableau ambitieux dont le grand format est habituellement destiné aux tableaux d’histoire, qui représente un enterrement où figurent plusieurs notables d'Ornans et les membres de sa famille.

Un enterrement à Ornans (entre 1849-50)
Huile sur toile 313X640 cm
Musée d'Orsay à Paris, France

Au salon de 1850 lors de son exposition le tableau fait scandale auprès de la critique de même que ses Casseurs de pierres salué comme la première œuvre socialiste par Proudhon.

La grotte sarrazine (1864)
Huile sur toile 54X65cm
The Paul Getty Museum à Los Angeles, California, USA
Le chêne de Flagey (1864)
Huile sur toile 89X110 cm
Murauchi Art Museum à Tokyo, Japan
Trois jeunes anglaises à la fenêtre (1865)
Huile sur toile HST 92,5X72,5 cm
Collection particulière à Copenhague, Danemark
Jo la belle Irlandaise (1865)
Huile sur toile 55,9X66 cm
The Metropolitan Museum of Art New York, USA

Ses idées républicaines et socialistes lui font refuser la Légion d'honneur proposée par Napoléon III. Après la proclamation de la République le 4 septembre 1870, il est nommé président de la commission des musées et délégué aux Beaux-Arts ainsi que président de l'éphémère Fédération des Artistes.
Il propose au
Gouvernement de la Défense nationale le déplacement de la Colonne Vendôme, qui évoque les guerres napoléoniennes, aux Invalides.

Soutenant l'action de la Commune de Paris, il est élu au Conseil de la Commune par le VIe arrondissement aux élections complémentaires du 16 avril 1871 ; il siège à la commission de l'Enseignement et vote contre la création du Comité de Salut public, il signe le manifeste de la minorité.

La Commune décide le 13 avril d’abattre et non de déboulonner la Colonne Vendôme. Courbet propose alors, puisqu’il a eu en premier l’idée d’enlever cette colonne, de payer les frais de sa réparation.

Après la Semaine sanglante il est arrêté le 7 juin 1871, et le 3e conseil de guerre le condamne à six mois de prison — qu'il purgera à Paris, à Versailles et à Neuilly — et à 500 francs d'amende.
Mais en
mai 1873, le nouveau président de la République, le maréchal de Mac-Mahon, décide de faire reconstruire la Colonne Vendôme aux frais de Courbet (soit plus de 323 000 francs selon le devis établi).

Il est acculé à la ruine après la chute de la Commune, ses biens mis sous séquestre, ses toiles confisquées. Il s'exile en Suisse, à La Tour-de-Peilz, près de Vevey. Courbet obtient de payer près de 10 000 francs par an pendant 33 ans

Après quelques semaines passées dans le Jura, à Neuchâtel, à Genève et dans le Valais, Courbet se rend compte que c'est sur la Riviera lémanique, grâce aux nombreux étrangers qui y séjournent, qu'il aura le plus de chance de nouer des contacts et de trouver d'éventuels débouchés pour sa peinture.

La vague (1869)
Huile sur toile 112X144 cm
Nationagalerie à Berlin, Allemagne
Paysage de mer (1872)
Huile sur toile 38X46 cm
Musée des Beaux-Arts de Caen, Calvados, France

Il loge brièvement à Veytaux (Château de Chillon), Clarens et Montreux, puis jette son dévolu sur la petite bourgade de La Tour-de-Peilz (au bord du lac Léman) et s'installe dans une maison au bord du lac du nom de Bon-Port.

Ce sera le port d'attache des dernières années de sa vie. De là, il circule beaucoup et les rapports que des espions (infiltrés jusque parmi la colonie des proscrits de la Commune de Paris) envoient à la police française nous renseignent sur ses nombreux contacts et ses innombrables déplacements.
Courbet n'est ni malade, ni alcoolique, ni improductif durant les premières années de son exil. Il écrit à sa sœur en 1876 :

« Ma chère Juliette, je me porte parfaitement bien, jamais de ma vie je ne
me suis porté ainsi, malgré que les journaux réactionnaires disent que je suis
assisté de cinq médecins, que je suis hydropique, que je reviens à la religion,
que je fais mon testament, etc.
Tout cela sont les derniers vestiges du
napoléonisme, c'est le Figaro et les journaux cléricaux. »



Il peint, sculpte, expose et vend ses œuvres; il organise sa défense face aux attaques du gouvernement de l'"Ordre moral" et veut obtenir justice auprès des députés français ; il participe à de nombreuses manifestations (fêtes de gymnastique, de tir et de chant) ; il est accueilli dans de nombreux cercles démocratiques confédérés et dans les réunions de proscrits. Comme par le passé, il organise sa propre publicité et entretient des rapports sociaux tant dans les cafés qu'avec les représentants de l'etablissement du pays qui l'accueille.


Il reçoit des encouragements de l'étranger : en 1873, invité par l'association des artistes autrichiens, il expose 34 tableaux à Vienne en marge de l'Exposition universelle.
Le peintre James Whistler le contacte pour exposer des œuvres à Londres ; aux États-Unis, il a sa clientèle et il expose régulièrement à Boston depuis 1866.
Plusieurs peintres du pays lui rendent fréquemment visite à La Tour et peignent à ses côtés (Auguste Baud-Bovy, François Furet, François Bocion) ou présentent leurs tableaux dans les mêmes expositions (Ferdinand Hodler).
Des marchands comme l'ingénieur exilé Paul Pia à Genève proposent régulièrement à la vente des œuvres du peintre franc-comtois.

La demande de tableaux était tellement importante depuis 1872 que Courbet ne pouvait suivre et s'était assuré la collaboration d'"aides" qui préparaient ses paysages.
Courbet ne faisait aucun mystère de ce mode de production. On sait, en outre, que Courbet n'hésitait pas à signer de temps à autre un tableau peint par l'un ou l'autre de ses collaborateurs.
Il travaille simultanément pour Madame Arnaud de l'Ariège dans son château des Crètes à Clarens et donne des tableaux pour des tombolas de sinistrés et d'exilés ; il réfléchit à un projet de drapeau pour le syndicat des typographes à Genève et exécute le portrait d'un avocat lausannois, le député radical Louis Ruchonnet ; il converse avec Henri Rochefort et Madame Charles Hugo à La Tour-de-Peilz et, quelques jours après, il joue le rôle de porte-drapeau d'une société locale lors d'une fête de gymnastique à Zurich.

Son œuvre n'échappe pas non plus à ce continuel va-et-vient entre une trivialité proche du kitsch et un réalisme poétique.
Cette production inégale n'est pas limitée à la période d'exil, mais elle s'accentue depuis la menace qui pèse sur le peintre de devoir payer les frais exorbitants de reconstruction de la Colonne, l'entraînant à produire de plus en plus.

Cela a incité de nombreux faussaires à profiter de la situation et, déjà du vivant de l'artiste, le marché de l'art a été envahi d'œuvres attribuées à Courbet dont il est difficile d'apprécier l'originalité.

Les circonstances (guerre et exil), les procès, l'étroitesse de l'espace culturel du pays qui accueille le peintre, l'éloignement de Paris sont autant de facteurs qui ne l'incitent guère à réaliser des œuvres de l'importance de celles des années 1850.

Le fou de peur (entre 1843-45)
Huile sur toile montée surbois 60,5X50,5 cm
Oslo Nasjonamuseet, Norvège

Dans ce contexte défavorable, Courbet a la force de peindre des portraits de grande qualité (Régis Courbet père de l'artiste, Petit-Palais, Paris), des paysages largement peints (Léman au coucher du soleil du Musée Jenisch à Vevey et du Musée des Beaux-Arts à Saint-Gall), quelques Château de Chillon (comme celui du Musée Gustave Courbet à Ornans).
Le château de Chillon (1874)
Huile sur toile 86X112 cm
Musée Courbet à Ornans, Doubs, France

Il s'attaque en 1877, en prévision de l'Exposition universelle de l'année suivante, à un Grand panorama des Alpes (The Cleveland Museum of Art) resté partiellement inachevé.

Il aborde également la sculpture, les deux réalisations de ces années d'exil sont, la Dame à la mouette et Helvétia.


Par solidarité avec ses compatriotes exilés de la
Commune de Paris, Courbet refusa toujours de retourner en France avant une amnistie générale.
Sa volonté fut respectée et son corps fut inhumé à La Tour-de-Peilz dans les premiers jours de 1878.

Dans Le Réveil du 6 janvier 1878, Jules Vallès rend hommage au peintre et à «l'homme de paix» :

« [...] Il a eu la vie plus belle que ceux qui sentent, dès la jeunesse et
jusqu'à la mort, l'odeur des ministères, le moisi des commandes. Il a traversé
les grands courants, il a plongé dans l'océan des foules, il a entendu battre
comme des coups de canon le cœur d'un peuple, et il a fini en pleine nature, au
milieu des arbres, en respirant les parfums qui avaient enivrés sa jeunesse,
sous un ciel que n'a pas terni la vapeur des grands massacres, mais, qui, ce
soir peut-être, embrasé par le soleil couchant, s'étendra sur la maison du mort,
comme un grand drapeau rouge.
»


La femme au perroquet (1866)

Huile sur toile 129X195 cm

The Metropolitan Museum of Art New York, USA



La femme à la vague (1868)

Huile sur toile 65X54 cm

The Metropolitan Museum of Art New York, USA

(Sources : Wikipédia & Insecula)

Best Reg'Arts !

Aucun commentaire: